Marie-Béatrice BAUDET, Le Monde, 03/11/1994
L’avenir, c’est fondamentalement ce qui intéresse le plus François Introvigne. D’ailleurs, la structure privée que, désormais, il dirige, s’appelle justement « Stratégie et avenir ». Il ne faut y voir aucun hasard. Ce Messin, amoureux fou de sa Lorraine analyse, soupèse et diagnostique vite. Grâce à beaucoup d’intuition, bien sûr, mais aussi à une immense générosité qui le gagne tôt. (…)
Les entreprises le réclament, veulent qu’il les aide à « vivre leur changement » selon la version officielle. Côté version officieuse, cet autodidacte explique qu’il est « un professionnel du cri » et qu’il est nécessaire de faire « exploser les contradictions à l’intérieur d’une structure, d’organiser la confrontation » : la vie en somme. Quand on lui parle de la sienne, de son parcours, il prononce souvent le mot « anticiper ».
En 1984, au cœur de la crise en Lorraine, il comprend que les syndicalistes doivent bouger. « On a vu arriver les Suédois, les Japonais, les Danois. Comment continuer à tenir les mêmes discours ? L’idéologie, bien sûr, c’est rassurant, mais la réalité c’est autre chose ».
Il part de la fédération CFDT de la métallurgie « juste avant de sauter », comme il aime à la rappeler, mais exige qu’on le licencie. Il retourne à la base. Le syndicat de la métallurgie, où il décide d’aller poursuivre l’action, est en crise, le nombre des adhérents est en baisse. « Un combat perdu d’avance », lui avaient prédit, en toute camaraderie, ses adversaires. La remontée sera spectaculaire. En 1993, il en fait l’un des syndicats privés les plus importants de la CFDT. (…)
Tout en reconnaissant le besoin du syndicalisme, il exprime la crainte de sa fonctionnarisation qui l’éloigne trop de la vie. (…)